Pokemon Go : explication UX du succès & du déclin du jeu

Pokemon Go : explication UX du succès & du déclin du jeu

Voilà plusieurs mois maintenant que les fans de Pokemon ont vu leur patience récompensée par la sortie française du jeu mobile sur smartphone. Sans faire réellement partie de la génération Pokemon (moi c’était plutôt les Pogs), j’ai tout de même téléchargé ce jeu qui a généré tant d’engouement et ai voulu l’analyser en surface avec mon oeil de professionnelle en expérience utilisateur.

Comment l’application Pokemon designe l’émotion

L’application utilise votre quotidien ordinaire pour le rendre extra-ordinaire en y greffant des éléments virtuels. Qui ne serait pas enthousiasmé, ou tout du moins surpris/interpellé, par l’apparition d’un Pokemon sur son paillasson ou dans sa baignoire ? L’usage de la réalité augmentée apporte ainsi une dimension immersive très prononcée qui sert le story-telling Pokemon et contribue à rendre le jeu attrayant par sa nouveauté.

La dimension émotionnelle du design a ainsi été particulièrement travaillée via la mécanique de chasse notamment, car vous n’êtes jamais sûrs que votre Pokemon restera bien dans sa pokeball et qu’il ne s’échappera pas (visualisez la pokeball qui remue et rend l’attente critique). La gammification est également de la partie via le système de badges proposé grâce auquel le joueur récolte fièrement les fruits de ses actions (et sur lequel l’accent a été mis dans les 2 mises à jour successives du jeu).

Pour vérifier et quantifier ces hypothèses, j’ai soumis un questionnaire Attrakdiff à un panel de 20 joueurs pour dégager des tendances quant à leur ressenti du jeu. Certains résultats sont étonnants comme le fait que la majorité d’entres eux considèrent Pokemon Go comme sociabilisant alors que le jeu est très individualiste – il n’existe en effet pas d’interaction entre les joueurs.

Extrait du questionnaire Attrakdiff soumis aux joueurs de PokemonGo

Extrait du questionnaire Attrakdiff soumis aux joueurs de PokemonGo

J’ai également abordé le sujet des émotions par le biais des UX cards. L’exercice est ici mené à l’envers puisque les concepteurs sont sensés utiliser chaque carte en se demandant quels moyens mettre en oeuvre pour combler le besoin fondamental choisi (et générer les émotions qui vont avec). Ici je fais le cheminement inverse en choisissant la carte du plaisir et de la stimulation et en me demandant qu’est ce qui permet à PokemonGo de les générer. Ici, sans rentrer en profondeur dans l’analyse, on peut facilement convenir que les vecteurs de plaisir/stimulation sont constitués de la chasse novatrice en réalité augmentée (certains joueurs courent littéralement quand un Pokemon rare est signalé !!), du challenge de la capture (qui n’est pas systématique) où même de la sensation physique du vibreur qui se met en marche indiquant ainsi qu’un Pokemon est à proximité. Il y en a évidemment d’autres et leur nombre ont fait le succès de cette application.

UX card de Carinne Lallemand

UX card de Carinne Lallemand

Mais comme vous allez le voir plus bas, l’application est en revanche loin d’être parfaite sur le plan de l’ergonomie.

Un manque d’intuitivité du gameplay Pokemon Go

Si attraper des Pokemons est aisé d’un point de vue apprentissage, il n’en est pas de même pour le combat en arène. Aucun tutoriel contextualisé ne vous explique comment vous y prendre (il en existe bien un mais généraliste et planqué dans le menu si bien qu’il faut faire la démarche d’y aller soi-même) ce qui m’a valu des défaites cuisantes. L’interface devrait à mon sens mieux accompagner le joueur en lui offrant plus de guide d’usage, au moins au début comme c’est le cas de la majorité des jeux. Le questionnaire Attrakdiff confirme d’ailleurs cela :

D'après les résultats du questionnaire Attrakdiff, de nombreux joueurs considèrent que le jeu est fastidieux.

D’après les résultats du questionnaire Attrakdiff, certains joueurs considèrent que le jeu est fastidieux.

Idem du côté de la fonctionnalité de géolocalisation de Pokemons, dans sa première version été plus qu’approximative en plus d’être peu ergonomique (zone blanche sans intitulé/icon qui se remplie de silhouettes de Pokemons et luit par moment). Elle a d’ailleurs fait l’objet d’une mise à jour depuis. Au clic, on accède à un listing de Pokemons sensés avoir été aperçus à proximité. Il faut alors comprendre qu’il est nécessaire de marcher pour trouver le Pokemon de vos rêves mais dans quelle direction ? Mystère… La chasse étant un des atouts phare du jeu, il me semble plus que nécessaire d’améliorer cette fonctionnalité et de la compléter par un dispositif de notifications push.

Enfin, l’aspect didactique pèche également du côté des stratégies de jeu. Même si l’on comprend rapidement que l’expérience du jeu progresse à mesure que votre collection de Pokemons s’étoffe et évolue, les autres subtilités sont plutôt inaccessibles sans explication. J’ai heureusement bénéficié de l’aide de l’énorme communauté de joueurs qui n’est pas avare de conseils sur les divers blogs et forums traitant du sujet et qui m’a donné accès à de précieuses astuces (exemples : faire évoluer ses Pokemons dans les 30 minutes après avoir fait éclore un oeuf pour profiter de l’XP temporaire et maximiser la puissance de son Pokemon, etc.). Ce qui, avec un peu de recul, doit surement faire partie de la stratégie de l’éditeur du jeu.

Il y aurait évidemment beaucoup à dire sur la surconsommation des ressources de votre téléphone générée par l’application (batterie notamment, surchauffe, etc.) ou sur l’incohérence de l’apparition de certains Pokemons qui nuit à l’immersion (un Pokemon de type eau apparaissant en plein sur le bitume me semble surréaliste) ou encore sur l’inégalité de répartition géographique des ressources du jeu (Pokemons, Pokestops et arènes). Difficile de tout traiter en un seul article mais cela permet de montrer que l’application possède une grande marge de perfectibilité.

Travailler la fidélisation du joueur

Axer les améliorations futures sur la fidélisation des joueurs serait par ailleurs  salvateur car depuis la sortie du jeu en juillet dernier, le soufflé est bien retombé (source). Pour se faire, il suffirait de :

– diversifier les Pokemons qu’un joueurs est susceptibles de croiser (actuellement ce sont toujours les mêmes : Roucool, Nosferapti, etc.)

– Investir les temps de hors-jeu pour que l’application se rappelle au joueur (push d’apparition de pokemon rare, rappel sur un oeuf en attente d’éclosion, etc.)

– Pousser plus loin la gammification pour que l’obtention de badge ne soit pas juste honorifique mais qu’elle débloque des avantages.

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