Interview de Jean François Nogier à propos de son livre UX Design et ergonomie des interfaces

Interview de Jean François Nogier à propos de son livre UX Design et ergonomie des interfaces

Il y a quelques semaines, j’ai épluché la nouvelle édition du livre UX Design et ergonomie des interfaces écrit par Jean-François Nogier et Jules Leclerc. J’avais déjà acheté les deux versions précédentes et j’ai donc noté avec intérêt les changements apparus dans ce nouvel opus. Jean François Nogier, auteur de ce livre et fondateur de l’agence UX Usabilis, a bien voulu se prêter au jeu de l’interview en répondant à quelques unes de mes questions :

Dans la précédente édition de votre livre « UX design et ergonomie des interfaces », vous consacriez quelques pages à la conception centrée utilisateur. Dans la nouvelle mouture de votre ouvrage, un chapitre entier y est désormais consacré. Qu’est-ce-qui a changé pour que ce sujet s’étoffe ainsi ?

A vrai dire, j’ai toujours consacré un chapitre de mon livre aux méthodes de conception centrée utilisateur. Bien sûr, les méthodes ont évolué depuis la première édition. Mais, le socle méthodologique de base (étude ethnographique, maquettage et test utilisateur) reste le même. De nouvelles méthodes sont apparues (Design Studio, Design Sprint, Experience Map, User Stories, etc.). Il est donné une plus grande place aux ateliers interactifs impliquant l’ensemble de l’équipe de conception. Ces nouvelles méthodes, généralement issues du marketing, permettent de mieux impliquer l’ensemble des acteurs du projet. L’engouement actuel pour l’UX se traduit également par l’arrivée de nouveaux profils d’intervenants.

[L’engouement pour l’UX] Il a multiplié les points de vue sur le sujet, chaque nouveau métier faisant évoluer la démarche en y intégrant ses propres usages méthodologiques.

La conception centrée utilisateur s’est enrichie des nouveaux intervenants issus des domaines connexes à l’ergonomie : ethnologues, designers, marketing, product manager, qui ont fait évoluer les méthodes initiales et apporté leur contribution propre.

Le terme « UX designer » est à la mode depuis quelque temps, mais le métier d’ergonome IHM existe lui depuis bien plus longtemps. Est-ce seulement du marketing ou ce changement d’appellation exprime-t-elle un changement profond du métier ?

Chapitre du livre UX design et ergonomie des interfaces consacré à la co-conception

Chapitre du livre UX design et ergonomie des interfaces consacré à la co-conception

Oui, l’ergonome IHM faisait de l’UX Design avant de savoir que ça s’appelait ainsi. Ce changement de nom est principalement marketing. Néanmoins, c’est aussi ce changement de nom qui a contribué au succès du domaine. Nous n’allons pas nous en plaindre ! 😉 Pour être plus précis, l’ergonome IHM intervenait plus particulièrement sur la partie Design d’interaction, c’est à dire la conception des interfaces digitales du service, en amont du design graphique (UI). Ces interfaces digitales ne sont qu’une partie de l’UX. Le domaine de l’ergonome IHM était donc plus restreint que le design de l’expérience utilisateur (UX) qui lui concerne la conception de l’ensemble du service. Ce changement de nom reflète effectivement une évolution plus profonde du métier. Nous ne concevons pas seulement des interfaces, mais bien globalement un service. Les interfaces digitales, qui ne sont pas toujours des écrans d’ailleurs, sont plurielles. L’utilisateur ne se sert plus d’un seul et unique device, il interagit en mobilité, utilisant le device le mieux adapté au contexte : smartphone en mobilité, ordinateur au bureau, tablette dans le salon, etc. La conception d’un service digital ne peut donc plus s’appuyer sur un seul device ; on ne conçoit pas pour un device, on conçoit une expérience globale qui va s’instancier sur différents devices selon le contexte. C’est cela qui a changé la donne pour les Ergonomes IHM / UX Designers ;

Auparavant, nous concevions des écrans, maintenant nous concevons une expérience utilisateur (UX). La notion de support est en train de disparaître au profit de l’expérience en elle-même.

Pour les professionnels qui nous lisent, voici une question plus ciblée :) Votre chapitre sur les personae aborde le sujet du prénom par lequel on les baptise. Faut-il vraiment opter pour un prénom plutôt que pour un nom commun ou un adjectif ? Le prénom n’est-il pas justement un risque de tomber dans le stéréotype et de « genrer » un persona alors même que le sexe n’est pas toujours un critère différenciant pertinent ?

Exercice de constitution d'un persona - Photo © Usabilis

Exercice de constitution d’un persona – Photo © Usabilis

Effectivement, donner un nom au persona c’est aussi lui donner un genre. Notez que vous pouvez l’appeler Dominique ou Claude, ce qui limite le risque 😉 Néanmoins, je suis d’accord avec vous, cela pourrait biaiser la conception. Toutefois, dans de nombreux cas, le sexe n’est pas un critère différenciant pertinent pour la conception. C’est pourquoi, je pense qu’il est préférable de donner un prénom.

Le prénom permet d’humaniser le persona et donc de le partager plus facilement avec le reste de l’équipe.

Finalement, c’est la principale utilité du prénom du persona que de faciliter la communication au sein de l’équipe de conception. Lorsqu’il est bien fait, qu’il ne s’agit pas seulement d’un proto-persona (ce qui est souvent le cas), mais bien d’un persona construit à partir des caractéristiques psychologiques et émotionnelles des utilisateurs, le persona est un outil particulièrement efficace en phase de conception. Il serait donc dommage de ne pas l’utiliser.

La démocratisation des interfaces conversationnelles est LA tendance 2017. Comment pensez-vous que l’UX designer doive se saisir de ce sujet ? Quels sont les risques de ce type d’expérience et à quoi doit-il veiller ?

Oui, les interfaces conversationnelles, dont j’ai eu la chance de voir les premières esquisses lorsque je travaillais au Centre de recherche IBM à Paris, sont devenues des véritables éléments d’interaction. Concevoir une interface conversationnelle nécessite de mettre en œuvre les mêmes méthodes de conception que pour toute interface. Nous ne pouvons concevoir une interface conversationnelle efficace qu’en étudiant les utilisateurs du service, en maquettant et en testant réellement l’interface. En termes d’ergonomie, je vois principalement deux difficultés dans la conception d’une interface conversationnelle. La première est que la voix est un média continu ; les mots sont émis les uns après les autres. Il nous manque la vue globale sur l’ensemble du discours, contrairement à un écran qui présente en permanence l’ensemble des éléments. Ce phénomène est amplifié par le fait que la mémoire auditive est généralement moins développée chez l’être humain que la mémoire visuelle.

Il ne faut donc pas hésiter à répéter les éléments contextuels du discours, les éléments importants, etc. Par ailleurs, il manque au conversationnel, un élément essentiel de l’interaction : le feed-back.

En effet, lorsque l’utilisateur parle, comment sait-il que son message a été correctement compris par l’application ? Il faudra prévoir dans le discours de l’automate des éléments de reformulation qui, par un feedback actif, vont contribuer à améliorer la confiance de l’utilisateur.

acheter-livre-ux-design-ergonomie-des-interfaces

 

Quelques mots à propos de l’agence Usabilis :
Usabilis accompagne les entreprises dans la conception des produits digitaux destinés aux professionnels. Depuis la création du concept jusqu’au design graphique, les ergonomes UX designers d’Usabilis vous aident à réaliser des applications agréables et utiles.

Partagez cet article sur les réseaux sociaux !Share on FacebookTweet about this on TwitterShare on Google+Email this to someone